Mercure est la planète la plus proche du Soleil. Comme la Lune, Mercure est un astre inerte et désert, doté d’une enveloppe gazeuse très ténue. Sa proximité du Soleil (57,9 millions de kilomètres en moyenne) conjuguée à l’absence de protection atmosphérique, fait subir à la planète des écarts de température extrêmes allant de + 430°C côté jour à -180°C côté nuit, ainsi qu’un niveau de radiations solaires dix fois plus élevé que la Terre. Son environnement hostile fait qu'il est difficile d’y envoyer des sondes spatiales et des instruments de mesure pouvant résister à ces écarts de températures extrêmes.
Après les sondes américaines MARINER 10 (1973) et MESSENGER (2004), la mission Bepi-Colombo est la troisième mission pour l’exploration de la surface et de l’environnement de Mercure.
Pour en savoir plus sur Mercure : https://www.planete-mercure.fr/planete-mercure
Première mission européenne à destination de Mercure, Bepi-Colombo est le fruit d'une collaboration entre les agences spatiales européenne (ESA) et japonaise (JAXA). Ce projet est né en 2003 et a impliqué 14 pays européens et le Japon, qui ont relevé les défis technologiques imposés par l'environnement hostile de Mercure. La mission est composée de 2 sondes spatiales (Figure 2) qui se sépareront à l'approche de Mercure pour effectuer chacune leur mission scientifique sur leurs orbites respectives.
La JAXA est responsable de la sonde MMO (Mercury Magnetospheric Orbiter), renommée みお ("Mio") en japonais, dédiée à l’étude de la magnétosphère, du champ magnétique de la planète mais aussi à l'analyse des poussières interplanétaires. L’ESA est responsable de la sonde MPO (Mercury Planetary Orbiter), renommée "Bepi", qui étudiera la surface, la composition géologique et l'exosphère de Mercure.
L’ESA est également en charge du reste du projet, à savoir du lancement, de la navigation vers Mercure et de l’injection des sondes en orbites autour de Mercure, prévue fin 2025.
Les satellites sont transportés sur un vaisseau composite (MCS : Mercury Composite Spacecraft), qui comprend également le Mercury Transfer Module (MTM), qui fournit notamment la propulsion ionique, et le MOSIF (MMO Sunshield and Interface Structure) qui fournit une protection thermique et les interfaces mécaniques et électriques de MMO.
La mission combine l’action de ses moteurs ioniques et le recours à l’assistance gravitationnelle pour parvenir jusqu’à Mercure. L'assistance gravitationnelle consiste à utiliser l’attraction des planètes pour donner un supplément de vitesse au satellite. Ainsi, avant de démarrer sa mission nominale autour de Mercure, BepiColombo effectuera 18 révolutions autour du Soleil, survolera 1 fois la Terre, Vénus à 2 reprises et Mercure à 6 reprises.
Après un voyage de plus de 7 ans, à l’approche finale de la planète Mercure, les différents modules constituant la mission BepiColombo se sépareront, à commencer par le MTM, en charge du transit des 2 sondes MPO et MMO jusqu’à Mercure. Ensuite lorsque MMO atteindra son orbite opérationnelle, le MOSIF qui lui servait de bouclier solaire sera libéré. Et enfin MPO sera placé en orbite basse autour de Mercure.
La durée nominale de la mission est de 1 an plus 1 an optionnel.
L’instrument PHEBUS est embarqué à bord de la sonde européenne Bepi (MPO). Il a été livré et intégré au satellite en Avril 2015, au centre de test de l’ESA (ESTEC) à Noordwijk en Hollande.
La sonde européano-japonaise est actuellement à Kourou, au Centre Spatial Guyanais, pour d'ultimes tests et préparatifs.
Pour suivre l’actualité de la mission : http://www.esa.int/Our_Activities/Space_Science/BepiColombo
PHEBUS (Probing of Hermean Exosphere By Ultraviolet Spectroscopy) est un double spectromètre optique couvrant les gammes spectrales allant de l'extrême ultraviolet (EUV : 55-155 nm) à l’ultraviolet lointain (FUV : 145-315 nm). Il est dédié à la caractérisation de l'exosphère de Mercure en termes de composition et de dynamique, et des relations entre la surface et l'exosphère.
Par rapport à ses prédécesseurs (MESSENGER/NASA), PHEBUS a la spécificité d’être sensible aux très courtes longueurs d’ondes permettant, pour la première fois, de sonder l’environnement de Mercure jusqu’à 55 nm, et ainsi détecter des espèces supplémentaires comme des métaux (Si, Mg, Fe), des gaz rares (Ar, Ne) et des traces d’hydrogène et d’hélium qui s’y trouvent.
Pour pouvoir détecter les très faibles émissions des constituants de l’exosphère de Mercure, PHEBUS a besoin d’une très grande sensibilité et une forte atténuation de la lumière parasite. Pour atteindre ces objectifs, le système collecteur de lumière de l’instrument comprend un déflecteur de lumière parasite (baffle), et un miroir parabolique hors axe en Carbure de Silicium, faisant office de télescope d’entrée.
Les photons observés sont focalisés par le miroir sur une fente, puis impactent deux réseaux holographiques qui vont les séparer en fonction de leur longueur d’onde.
Deux détecteurs (détecteur EUV : [55‐155 nm], détecteur FUV : [145‐315 nm]) sont placés au plan focal des réseaux et vont imager le spectre obtenu.
La détection est basée sur le principe du comptage de photons et réalisée en utilisant des détecteurs à galettes de microcanaux (MCP - Micro Channel Plate) associées à des anodes résistives (RAE - Resistive Anode Encoder). Cette combinaison (MCP+RAE) confère à l’instrument une très grande sensibilité et un bruit extrêmement faible, sans nécessiter pour autant de système de refroidissement, comme cela peut être le cas sur d’autres instruments.
Le dimensionnement optique a été réalisé en utilisant le minimum de composants afin d’optimiser au maximum le transfert des photons.
Deux voies supplémentaires à base de photomultiplicateurs sont dédiées à la détection des émissions du Potassium (404 nm) et du Calcium (422 nm).
Le système collecteur de lumière est par ailleurs monté sur un mécanisme de balayage à un axe (« scanner ») nous offrant la capacité de sonder des régions et des gammes d’altitude d’intérêt indépendamment de l’orientation de la plateforme satellitaire.
Ainsi, PHEBUS peut mesurer simultanément toutes les espèces détectables pour produire des cartes tridimensionnelles (altitude, latitude, longitude) de l’exosphère et étudier son évolution au cours du temps face aux conditions extrêmes de l’environnement de la planète.
Enfin, pour répondre aux exigences imposées par l’environnement spatial extrême, les ingénieurs du LATMOS ont conçu un instrument à la fois compact, léger (7.5 kg) et extrêmement rigide, grâce à l’utilisation d’une structure monobloc en aluminium et d’une coque en carbone.
Durant la mission, l'instrument sera régulièrement étalonné sur des étoiles correctement choisies, de manière à estimer quantitativement la dégradation de la sensibilité de l'instrument avec le temps.
Le LATMOS (Laboratoire Atmosphères, Milieux et Observations Spatiales) est une unité mixte de recherche relevant du Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS) et des universités de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines et de Sorbonne Université. Le laboratoire est par ailleurs membre de l'Institut Pierre Simon Laplace (IPSL), fédération de neuf laboratoires publics de recherche en sciences de l'environnement en Ile-de-France.
Principale contribution française à la mission BepiColombo, cet instrument a nécessité près de 15 ans de développement, assurés par une équipe d'une dizaine d'ingénieurs du LATMOS (chef de projet, ingénieurs système, électroniciens, opticiens, mécaniciens, thermicien, responsable assurance produit, informaticiens contrôle commande, génie logiciel et calcul scientifique...), en coopération avec le Japon (Tokyo University, responsable de la fourniture des détecteurs), l'agence spatiale russe (l'IKI, responsable de la fourniture du système de pointage) et l'Italie (LUXOR Lab, Padova University, support aux étalonnages optiques de l'instrument au sol), et sous maitrise d'ouvrage du Centre National d'Études Spatiales (CNES).